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qu’une balance, comment pourrons-nous mesurer ou peser quoique ce soit ? Ici de même, si nous n’avions pas étudié et ne connaissions pas exactement ce qui nous sert à juger et à connaître tout le reste, comment pourrions-nous connaître exactement quelque autre chose ? Est-ce que cela se pourrait ? — Non ; mais un boisseau n’est que du bois stérile ! — Oui, mais c’est par lui que nous mesurons le blé. — La Logique aussi est stérile ! — C’est ce que nous verrons ; mais, alors même qu’on l’accorderait, ce serait encore assez pour elle que de servir à juger et à discuter le reste, et d’y tenir lieu, pour ainsi dire, de poids et de mesure. Et qu’est-ce qui parle ainsi ? N’est-ce que Chrysippe, que Zénon, que Cléanthe ? N’est-ce pas aussi Antisthènes ? Et quel est celui qui a écrit que le point de départ de l’éducation était l’étude des mots ? N’est-ce pas aussi Socrate qui parle ainsi ? Et de qui Xénophon a-t-il écrit qu’il commençait par étudier la signification des mots ?

La grande chose, la chose digne d’admiration, serait-elle donc de comprendre ou d’expliquer Chrysippe ? Mais qu’est-ce qui dit cela ? Quelle est donc la chose digne d’admiration ? C’est de comprendre la volonté de la nature. Eh bien ! peux-tu la démêler par toi-même ? De quoi aurais-tu besoin alors ? Car s’il est vrai qu’on ne faillisse jamais que malgré soi, et si tu as su découvrir la vérité, il est impossible que dès lors tout ne soit pas bien chez toi. « Mais, par Jupiter, je ne sais pas découvrir la volonté de la nature. Qui donc sait l’exposer ? On dit que c’est Chrysippe. » Je vais, et je cherche ce que dit cet interprète de la nature. Contrarié de