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d’avoir des parents ? Qu’il soit mauvais fils, et se désole ! Mécontent d’avoir des enfants ? Qu’il soit mauvais père. Jette-le en prison. Mais dans quelle prison ? Dans celle où il est ; car c’est malgré lui qu’il est où il est ; et là où quelqu’un est malgré lui, c’est en prison qu’il est ; d’où il suit que Socrate n’était pas en prison, car il y était volontairement. — « Se peut-il bien, dis-tu, que je sois estropié d’une jambe ? » — Esclave ! c’est pour une misérable jambe que tu prends l’univers à partie ! Ne peux-tu en faire le sacrifice au monde ? Ne saurais-tu t’en séparer ? Ne peux-tu la rendre gaîment à celui qui te l’a donnée ? Vas-tu t’emporter, t’indigner contre les arrêts de Jupiter, contre ce qu’il a lui-même décidé et arrêté avec les Parques, quand elles assistaient à ta naissance avec leurs quenouilles ? Ne sais-tu pas quelle minime fraction tu es par rapport au tout ? Ceci (bien entendu) est dit de ton corps ; car par ta raison tu n’es pas au-dessous des dieux mêmes ; tu n’es pas moins grand qu’eux : la grandeur de la raison, en effet, ne se reconnaît pas à la largeur ni à la hauteur, mais aux jugements.

Ne veux-tu donc pas placer ton bien dans ce qui te fait l’égal des dieux ? — « Malheureux que je suis, dis-tu, d’avoir un pareil père et une pareille mère ! » — Quoi donc ? est-ce que, à ton entrée dans la vie, il ta été donné de choisir, et de dire : « Je veux qu’à cette heure-ci un tel ait des rapports avec une telle, pour que je vienne au monde ? » Cela ne t’a pas été donné. Il a fallu, au contraire, que tes parents existassent d’abord, et qu’ensuite tu naquisses. — Mais de qui ? — D’eux, tels qu’ils