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bien. — C’est ce que font tous les pères, ou du moins la plupart. — Je ne te dis pas que cela ne se fait point ; la question entre nous est de savoir si cela se fait bien. On dirait en effet, avec ce système, que les tumeurs elles-mêmes naissent pour le bien du corps, par cela seul qu’elles naissent ; et plus simplement que faire mal est conforme à la nature, parce que presque tous, ou du moins en majorité, nous faisons mal. Montre-moi donc comment ton action est conforme à la nature. — Je ne le puis, dit l’autre ; mais toi plutôt, montre-moi qu’elle n’est pas conforme à la nature, et qu’elle est mal. Alors Épictète : Si nos recherches portaient sur le blanc et le noir, à quel critérium aurions-nous recours pour les distinguer ? — A la vue, dit l’autre. — Si elles portaient sur la chaleur et sur le froid, sur la dureté et sur la mollesse, à quel critérium ? — Au toucher. — Eh bien donc, maintenant que notre question porte sur ce qui est conforme à la nature, sur ce qui est bien et sur ce qui est mal, quel critérium veux-tu que nous prenions ? — Je ne sais pas. — Et cependant, si ce n’est peut-être pas un grand malheur de ne point connaître le critérium des couleurs, des odeurs, ou bien encore des saveurs, ne trouves-tu pas que c’en est un grand que pareille ignorance pour les biens et les maux, pour les choses contraires à la nature humaine et celles qui lui sont conformes ? — Un très grand. — Eh bien, dis-moi : Tout ce qui semble à certaines personnes bon et convenable, le leur semble-t-il avec raison ? Les Juifs, les Syriens, les Égyptiens, les Romains,