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ne dirait-il pas : « Je suis du monde ? » Pourquoi ne dirait-il pas : « Je suis fils de Dieu ? » Et pourquoi craindrait-il rien de ce qui arrive parmi les hommes ? La parenté de César, ou de quelqu’un des puissants de Rome, suffit pour nous faire vivre en sûreté, pour nous préserver du mépris, pour nous affranchir de toute crainte ; et avoir Dieu pour auteur, pour père et pour protecteur, ne nous affranchirait pas de toute inquiétude et de toute appréhension ?

— « Mais de quoi vivrai-je, dit-on, moi qui n’ai rien ? » — Eh ! De quoi vivent les esclaves fugitifs ? Sur quoi comptent-ils, quand ils se sauvent de chez leurs maîtres ? Sur leurs terres ? Sur leurs serviteurs ? Sur leur vaisselle d’argent ? Non, mais sur eux-mêmes ; et la nourriture ne leur manque pas. Faudra-t-il donc que le philosophe n’aille par le monde qu’en comptant et se reposant sur les autres ? Ne se chargera-t-il jamais du soin de lui-même ? Sera-t-il au-dessous des animaux sans raison ? Sera-t-il plus lâche qu’eux ? Car chacun d’eux ne recourt qu’à lui-même, et ne manque pourtant ni de la nourriture qui lui convient, ni des moyens d’existence qui sont appropriés à sa nature.

Je crois, moi, que votre vieux maître assis ici ne devrait pas y être occupé à vous rehausser le cœur et à vous empêcher de tenir sur vous-mêmes des propos lâches et indignes, mais à combattre les jeunes gens, s’il s’en trouvait de tels, qui, connaissant notre parenté avec les dieux, et en même temps les liens dont nous sommes attachés, ce corps que nous possédons, et tout ce qui, grâce à lui, est nécessaire à notre entretien et à notre subsistance pendant