Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 28 —

voient pas clair dans la conclusion. Et pourquoi s’occuper de tout cela ? pour que sur ce terrain encore notre conduite soit conforme au devoir et réglée par la raison.

Il en est de même pour les hypothèses et pour les raisonnements hypothétiques. On est obligé quelquefois de demander à poser une hypothèse comme un pont pour passer au reste du raisonnement. Faut-il donc, ou non, accorder toutes les hypothèses que l’on vous propose ? Et si pas toutes, lesquelles faut-il ? Et, quand on en a accordé une, faut-il persister jusqu’au bout à la maintenir ? Ou bien est-il des cas où il faut y renoncer, pour accepter les choses qui sont d’accord entre elles, et repousser celles qui se contredisent ? — Certes. — Mais voici quelqu’un qui dit : « Admettez comme hypothèse une chose possible, et je vous ferai aboutir à une chose impossible. » Faut-il dire que l’homme sensé n’en viendra jamais aux prises avec un pareil individu, et qu’il évitera de discuter et de s’entretenir avec lui ? Existerait-il donc parmi ceux qui raisonnent, et savent interroger et répondre, quelqu’un qui ne soit susceptible ni d’erreur ni de sophisme ? Dirons-nous alors que le sage en viendra aux prises avec notre individu, mais sans s’inquiéter de raisonner au hasard, à tort et à travers ? Comment alors sera-t-il tel que nous le concevons ? Et sans ces exercices et ces préparations, comment serait-il capable de raisonner rigoureusement ? Qu’on nous montre qu’il le serait ; et toutes ces études sont dès-lors surabondantes, absurdes, et sans rapport avec l’idée que nous nous faisons du sage.