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ou de les fuir, ta façon d’entreprendre, de t’appliquer, de faire effort. Est-elle ou non conforme à la nature ? Si elle y est conforme, montre-le moi, et je te dirai que tu es en progrès. Si elle n’y est pas conforme, va-t’en, et non-seulement commente ton livre, mais encore écris-en toi-même de pareils. Et à quoi cela te servirait-il ? Ne sais-tu pas que le livre entier coûte cinq deniers ? Et par conséquent celui qui le commente peut-il te sembler valoir plus de cinq deniers ? Ne cherchez donc jamais le fait du sage d’un côté, et le progrès d’un autre.

Où donc est le progrès ? celui qui, se détachant des choses du dehors, se donne tout entier à l’éducation et au perfectionnement de sa faculté de juger et de vouloir pour la mettre d’accord avec la nature, pour lui donner l’élévation, la liberté, l’indépendance, la possession d’elle-même, l’honnêteté, la réserve ; celui qui sait qu’en désirant ou en fuyant les choses qui ne dépendent pas de lui, il ne peut être ni honnête ni libre, mais doit forcément changer et être emporté avec elles, forcément se soumettre aux gens, qui peuvent les lui donner ou les écarter de lui ; celui qui en plus, dès qu’il se lève le matin, observe et applique ces préceptes, qui se lave comme un homme honnête et réservé, qui mange de même, et qui dans toutes les circonstances s’efforce de suivre ses principes, comme un coureur ceux de l’art du coureur, comme un chanteur ceux de l’art du chanteur : voilà celui qui est réellement en progrès et qui n’a pas quitté son pays pour rien. Mais celui qui s’attache et ne s’applique qu’à ce qui est dans les livres, celui qui n’a pas eu d’autre but en quittant son pays, celui-là, je lui dis de s’en aller