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tu pas ce que tu gagnes en regard de ce que tu perds? le prix de l’un en regard du prix de l’autre? Voudrais-tu gagner de si grands biens, sans qu’il t’en coutât rien? Ces deux choses ne vont pas l’une avec l’autre. Tu ne peux pas t’occuper tout à la fois des objets extérieurs et de ton àme. Si tu veux les premiers, renonce à la seconde; autrement tu n’auras ni eux ni elle, partagé que tu seras entre les deux partis. Si tu veux ton àme, il te faut renoncer aux objets extérieurs. Mon huile se trouvera répandue, et mes meubles détruits; mais moi je serai sans trouble. Le feu prendra en mon absence, et mes livres seront détruits, mais moi je ferai des idées un usage conforme à la nature. — « Mais je n’aurai pas de quoi manger (dit-on)!» — Si je suis aussi malheureux, j’ai un port: c’est la mort. La mort! voilà le port, voilà le refuge de tous. C’est pour cela que rien de ce qui est dans la vie n’est pénible: lorsque tu le veux, tu pars, et la fumée ne te gêne plus. Pourquoi donc te tourmentes-tu? Pourquoi restes-tu sans dormir? Pourquoi ne dis-tu pas tout de suite, en considérant où sont tes biens et tes maux: « Les uns et les autres dépendent de moi. Personne ne peut m’enlever ceux-là; personne ne peut me jeter malgré moi dans ceux-ci. Qui m’empêche donc de m’étendre à terre et de ronfler? Ce qui est à moi est en sûreté. Quant aux choses qui ne sont pas à moi, leur soin regarde qui les a obtenues, selon que les distribue celui au pouvoir de qui elles sont. Qui suis-je donc, moi, pour vouloir qu’elles soient de cette façon-ci ou de cette façon-là? Est-ce que le choix m’en a été donné? Est-ce que quelqu’un m’en a