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dormir, patienter, m’abstenir, venir en aide aux autres, désirer, éviter, accomplir mes devoirs naturels et sociaux: Quel calme et quelle liberté! Juge-moi donc par là, si tu le peux. Mais, si tu es aveugle et sourd au point de ne point reconnaître Vulcain lui-même pour un bon forgeron, à moins que tu ne lui voies le bonnet posé sur la tête, quel mal y a-t-il à ne pas être apprécié par un juge aussi niais? »

C’est ainsi que Socrate était méconnu de la foule, et que des gens venaient le prier de les présenter à des philosophes. S’indignait-il alors comme nous le faisons, et disait-il: « Est-ce que tu ne vois pas que je suis philosophe? » Non; il les conduisait et les présentait. Se contentant pour lui d’être réellement philosophe, il était heureux de ne pas le paraître, bien loin de s’en fâcher. Il savait trop bien quelle était sa tâche propre. Quelle est donc la tâche du Sage? Est-ce d’avoir de nombreux disciples? Non. C’est affaire à ceux qui en ont l’ambition. Serait-ce d’expliquer des points de science difficiles? C’est affaire à d’autres encore. De quoi se préoccupait-il donc? Qu’était-il? Et que voulait-il être? Il se préoccupait de ce qui lui était nuisible ou utile. « Si l’on peut me nuire, disait-il, je suis impuissant. Si j’attends qu’un autre vienne à mon aide, je ne suis rien. Si je veux une chose et qu’elle ne se fasse pas, je suis malheureux. » Sur ce terrain il défiait tout le monde, et je crois qu’il n’aurait eu à reculer devant personne. Pour quelle chose, suivant vous? Pour le talent de faire l’annonce et de dire: « Voilà ce que je suis? » A Dieu ne plaise! Mais pour ce qu’il était réellement. Il