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parce que les enfauts ne comprennent pas ce que sont les gardes? A son tour, l’homme qui comprendrait ce qu’ils sont, et que ce sont des épées qu’ils tiennent, mais qui viendrait devant le tyran précisément avec la volonté de mourir et en cherchant par qui se faire tuer aisément, craindrait-il les gardes, lui aussi? — Non, parce qu’il voudrait justement ce qui les fait redouter des autres. — Mais alors, si quel qu’un arrivait devant le tyran, sans tenir absolument à vivre ou à mourir, mais prêt à l’un ou à l’autre, suivant l’événement, qu’est-ce qui l’empêcherait de s’y présenter sans crainte? — Rien. — Eh bien! si nous avions à l’endroit de notre fortune, de nos enfants, de notre femme, les sentiments de cet homme à l’endroit de son corps; ou si, simplement par égarement et par désespoir, nous nous trouvions dans une disposition d’esprit telle qu’il nous fût indifférent de les conserver ou de ne pas les conserver; si, à l’exemple des enfants qui, en jouant avec des coquilles, ne se préoccupent que du jeu et ne s’inquiètent guère des coquilles, nous étions, nous aussi, indifférents aux objets eux-mêmes, sans autre pensée que de jouer avec et de nous en servir, qu’aurions-nous encore à craindre d’un tyran? Qu’aurions-nous à redouter de ses gardes et de leurs épées?

Et quand l’égarement chez nous, quand la coutume chez les Galiléens, suffisent à donner cette disposition d’esprit, le raisonnement et la démonstration ne pourraient apprendre à personne que c’est Dieu qui a tout fait dans le monde, et qu’il a fait ce monde dans son ensemble indépendant et sans autre fin que lui-même, tandis que les par-