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les gens du palais, à qui adresser une parole flatteuse, à qui envoyer un cadeau, comment plaire au danseur favori, comment nuire à l’un pour avoir les bonnes grâces de l’autre. Quand il prie, c’est pour cela qu’il prie; quand il offre un sacrifice, c’est pour cela qu’il l’offre. Le précepte de Pythagore,

« Ne permets pas que le sommeil entre dans tes yeux délicats, »

c’est à cela qu’il l’applique. « Qu’ai-je omis, se dit-il, en fait de flatterie? Comment me suis-je conduit? Aurais-je, par hasard, agi en homme indépendant, en homme de cœur? » Et, s’il trouve qu’il a agi de la sorte , il se le reproche et s’en accuse. « Qu’avais-tu besoin de parler ainsi? (se dit-il.) Ne pouvais-tu pas mentir? Les philosophes eux-mêmes disent qu’il est permis de faire un mensonge. Toi, au contraire, si réellement tu ne t’es jamais occupé que de faire des idées l’usage que tu en dois faire, dis-toi dès le matin, sitôt que tu es levé: « Que me manque-t-il pour m’élever au-dessus de toutes les passions, au-dessus de tous les troubles? Qui suis-je? Mon misérable corps est-il moi? Ma fortune est-elle moi? Ma réputation est-elle moi? Point du tout. Que suis-je donc? Un être animé et doué de raison. Or, que demande-t-on à un tel être? » Repasse alors dans ton esprit ce que tu as fait: « Qu’ai-je omis de ce qui conduit à la tranquille félicité? Quel acte ai-je commis qui ne soit ni d’un ami, ni d’un citoyen? A quel devoir ai-je manqué dans ce sens? » Eh bien! quand il y a entre vous une telle divergence dans les désirs, dans les actions, dans les