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magistrats, toi pour penser juste; ils ont travaillé pour être riches, toi pour faire un bon emploi des idées. Vois si la chose dont ils ont plus que toi, est celle en vue de laquelle tu as travaillé, tandis qu’ils la négligeaient. Vois s’ils jugent d’une manière plus conforme à la nature, s’ils échouent moins dans ce qu’ils désirent, s’ils tombent moins dans ce qu’ils veulent éviter, si dans leurs entreprises, dans leurs projets, dans leurs efforts, ils atteignent plus sûrement leur but, s’ils font toujours leur devoir comme maris, comme fils, comme pères, et à tous les titres qui naissent de nos différentes relations. Mais ils sont magistrats et tu ne l’es pas! Consens à te dire à toi-même la vérité: tu n’as rien fait pour l’être, et eux ont tout fait. Or, il serait souverainement absurde que celui qui poursuit un but l’atteignît moins que celui qui ne s’en occupe pas. « Non, dis-tu; mais comme je m’occupe d’avoir des opinions justes, il est logique que je sois au premier rang. » Oui, pour les choses dont tu t’occupes, pour les opinions. Mais dans les choses dont d’autres se sont occupés plus que toi, cède-leur le pas; c’est comme si, parce que tu as des opinions justes, tu demandais à mieux réussir que les archers en tirant de l’arc, et que les forgerons en forgeant. Laisse de côté ta préoccupation des opinions, et tourne-toi vers les choses que tu veux obtenir; et alors pleure, si elles ne t’arrivent pas, car tu es bien digne de pleurer. Mais aujourd’hui tu nous dis que tu t’attaches à autre chose, que tu travailles à autre chose; or, le vulgaire dit très-bien qu’on ne fait pas deux choses à la fois. Un tel, levé dès l’aurore, cherche qui saluer parmi