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et qui finiraient par ne plus m’aller? Certes, pas plus comme lecteur ou comme écrivain que comme lutteur, je ne m’en tiens à la théorie: au contraire, je tourne et retourne tout ce que l’on me présente, je combine d’autres raisonnements, et jusqu’à des sophismes. Mais quant à ces connaissances indispensables, sur lesquelles il faut s’appuyer pour s’élever au-dessus de la peine, au-dessus de la crainte, au-dessus des troubles, au-dessus des entraves, pour être libre enfin, celles-là je ne les mets pas en œuvre, je ne m’y attache pas comme je devrais m’y attacher. Et je m’inquiète après cela de ce que les autres diront de moi, de l’estime dont je leur paraîtrai digne, et du bonheur que je leur paraîtrai avoir! »

Malheureux! ne veux-tu pas voir comment tu te juges toi-même, ce que tu es à tes propres yeux, en fait d’opinions, en fait de désirs, en fait de craintes, en fait de volontés, de projets, d’entreprises, ou de tout autre mode de l’activité humaine? Ah! tu t’occupes plutôt de savoir si les autres te prennent en pitié! — Oui; mais ils me prennent en pitié sans que je le mérite. — Cela te fait de la peine, n’est-ce pas? Mais celui qui éprouve de la peine n’est-il pas à plaindre? — Oui. — Comment donc dire encore qu’on te prend en pitié sans que tu le mérites? La peine même que te fait éprouver la pitié, te rend digne de pitié.

Que dit Antisthène? Ne l’as-tu pas appris? « Cyrus, c’est un lot de roi, que d’être bien, et d’entendre dire que l’on est mal. » Ma tête est en bon état, et tout le monde croit que la tête me fait mal. Qu’est-ce que cela me fait? Je n’ai point de