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des malheureux qui se trompent sur les choses les plus importantes?

C’est parce que Socrate savait tout cela, qu’il demeurait dans sa maison, en supportant la plus méchante des femmes et un fils ingrat. A quoi aboutissait, en effet, la méchanceté de sa femme? à lui verser sur la tête toute l’eau qu’elle voulait, et à trépigner sur son gâteau. « Qu’est-ce que cela me fait, disait Socrate, dès que je le regarde comme indifférent? Or, ceci dépend de moi: il n’y a ni tyran, ni maître qui puisse m’en empêcher, si je le veux; la multitude ici est impuissante contre l’individu, le plus fort contre le plus faible. L’indépendance sur ce point est un don de Dieu à chacun de nous. »

Voilà les principes qui mettent l’amitié dans une famille, la concorde dans une ville, la paix entre les nations. Par eux, on est reconnaissant pour Dieu, et toujours sans crainte, parce qu’il n’y a jamais en question que des choses qui ne nous appartiennent pas et qui sont sans valeur.

Quant à nous, nous sommes bons pour écrire ou lire tout cela, et pour l’approuver quand nous l’avons lu; mais que nous sommes loin de nous en pénétrer! Aussi ce qu’on disait des Lacédémoniens,

« qu’ils sont des lions chez eux, des renards à Éphèse, »

peut s’appliquer à nous aussi: « lions dans l’école, renards dehors. »