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sent pour leur compte comme bon leur semble, à vivre et à agir soi-même conformément à la nature, seulement en faisant tout ce qui dépend de soi pour qu’eux aussi vivent conformément à la nature. Car tel est le but que se propose toujours le Sage. Veut-il être général? Non, mais si son lot est de l’être, il veut dans cette position maintenir pure en lui sa partie maîtresse. Veut-il se marier? Non, mais si son lot est de le faire, il veut dans cette position se maintenir en conformité avec la nature. Quant à vouloir que son fils ou sa femme ne fissent jamais rien de mal, ce. serait vouloir que ce qui ne dépend pas de lui en dépendît. Or, s’instruire n’est autre chose qu’apprendre à distinguer ce qui dépend de vous et ce qui n’en dépend pas.

Quelle occasion de dispute y a-t-il donc encore pour celui qui est dans ces sentiments? Rien de tout ce qui arrive l’étonne-t-il? Rien lui paraît-il extraordinaire? Est-ce qu’il ne s’attend pas toujours, dela part des méchants, à des choses plus fâcheuses et plus tristes que ce qui lui arrive? Est-ce qu’il ne regarde pas comme autant de gagné tout ce qui manque au malheur complet? « Un tel t’a injurié (dit-il), sache-lui gré de ne pas t’avoir frappé. — Mais il m’a frappé! — Sache-lui gré de ne pas t’avoir blessé. — Mais il m’a blessé! — Sache-lui gré de ne pas t’avoir tué. En effet, quand, ou de qui, a-t-il appris qu’il est un animal sociable, fait pour aimer les autres, et que l’injustice est un grand mal pour qui la commet? Et, puisqu’il ne l’a pas appris, et qu’il ne le croit pas, comment ne suivrait-il pas ce qui lui semble