Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée

et ne jamais rien faire contre la raison ni contre eux; nous ne nous fâcherions pas lorsque l’on empêche nos lectures: nous nous contenterions de produire des actes en harmonie avec elles, et nous ferions de tout autres récapitulations que celles que jusqu’à ce jour nous avons eu l’habitude de faire: « Aujourd’hui, disons-nous, j’ai lu tant de lignes; j’en ai écrit tant d’autres. » Nous dirions alors: « Aujourd’hui je n’ai rien voulu que comme le prescrivent les philosophes; je n’ai rien désiré, et je n’ai cherché à éviter que des choses qui relèvent de mon libre arbitre; je ne me suis point laissé intimider par un tel, ni déconcerter par un tel; je me suis exercé à la patience, à la tempérance, à la bienfaisance. » Et ainsi, les choses dont nous rendrions grâce à Dieu seraient celles dont on doit vraiment lui rendre grâce.

Nous ne nous apercevons pas aujourd’hui que nous devenons semblables au commun des hommes, quoique avec une autre manière de faire. Si un autre craint de ne pas être magistrat, toi, tu crains de l’être. O mortel, pas de crainte pareille! Ris plutôt de toi, comme tu ris de ceux qui craignent de ne pas être magistrats. Car il n’y a guère de différence entre souffrir de la soif parce qu’on a la fièvre, et craindre l’eau parce qu’on est enragé. Dans ton état, comment pourrais-tu dire encore le mot de Socrate: « Si cela plaît à Dieu, que cela se fasse! » Si Socrate avait soupiré après les loisirs du Lycée ou de l’Académie, pour y causer chaque jour avec les jeunes gens, crois-tu qu’il serait parti sans chagrin pour la guerre, aussi souvent qu’il y est parti? Ne se serait-il pas écrié avec des gémis-