Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée

je ne sais pas comment tu es devenu préteur, par quels moyens tu as obtenu le consulat, et qu’est-ce qui te l’a donné? Pour moi, je ne voudrais même pas de la vie, s’il me fallait vivre de par Félicion, en supportant son orgueil et son insolence d’esclave. Car je sais trop ce que c’est qu’un esclave, dans un semblant de bonheur qui l’enivre.

« Toi donc, me dît-on, es-tu libre? » Je le voudrais, de par tous les Dieux, et je fais des vœux pour l’être; mais je n’ai pas encore la force de regarder mes maîtres en face, je fais encore cas de mon corps, et j’attache un grand prix à l’avoir intact, bien que je ne l’aie pas tel. Mais je puis du moins te faire voir un homme libre, pour que tu cesses d’en chercher un exemple: Diogène était libre. Et d’où lui venait sa liberté? Non pas de ce qu’il était né de parents libres (il ne l’était pas), mais de ce qu’il était libre par lui-même: il s’était débarrassé de tout ce qui donne prise à la servitude; on n’aurait su par où l’attraper ni par où le saisir, pour en faire un esclave. Il n’avait rien dont il ne pût se détacher sans peine; il ne tenait à rien que par un fil. Si vous lui aviez enlevé sa bourse, il vous l’aurait laissée plutôt que de vous suivre à cause d’elle; si sa jambe, sa jambe; si son corps tout entier, son corps tout entier; et si ses parents, ses amis, ou sa patrie, même chose encore. Il savait, en effet, d’où il tenait tout cela, de qui il l’avait reçu, et à quelles conditions. Quant à ses vrais parents, les Dieux, et quant à sa véritable patrie, jamais il n’y aurait renoncé; jamais il n’aurait permis qu’un autre fût plus obéissant et plus soumis à ces Dieux; et personne ne serait mort plus volontiers que lui pour cette