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écorché, d’être mis en prison, d’être décapité? Qui souffre tout cela en homme de cœur, ne s’en tire-t-il pas avec avantage et profit? Le mal réel, le, sort le plus déplorable et le plus honteux, c’est, quand on était un homme, de devenir un loup, une vipère, un frelon.

Marchons donc, et parcourons tout ce sur quoi nous sommes d’accord. L’homme libre est celui pour qui il n’y a pas d’obstacles , et qui trouve sous sa main les choses comme il les veut. L’esclave est celui qu’on peut entraver, contraindre, empêcher, jeter contre son gré dans quelque chose. Pour qui donc n’y a-t-il pas d’obstacles? Pour qui ne désire pas ce qui n’est point à nous. Et qu’est-ce qui n’est pas à nous? Ce qu’il ne dépend pas de nous d’avoir ou de ne pas avoir, d’avoir de telle qualité, ou en tel état. Notre corps n’est donc pas à nous, ses parties ne sont pas à nous, notre fortune n’est pas à nous. Par suite, si tu t’attaches à quel qu’une de ces choses comme si elle t’appartenait en propre, tu en seras puni, ainsi que doit l’être celui qui désire ce qui n’est pas à lui. La seule route qui conduise à la liberté, le seul moyen de s’affranchir de la servitude, c’est de pouvoir dire du fond de son cœur:

« O Jupiter! O Destinée! conduisez-moi où vous avez arrêté de me placer. »

Mais toi, que dis-tu, ô philosophe? Le tyran t’appelle pour que tu lui contes des choses qui sont indignes de toi: les lui diras-tu, ou ne les lui diras-tu pas? Réponds-moi. — Laisse-moi réfléchir. — Tu vas réfléchir maintenant? A quoi réfléchis sais-tu donc, quand tu étais à l’école? Ne cher-