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bête sauvage, mais un animal fait pour la société. Quand la vigne, en effet, se trouve-t-elle dans un mauvais état? — « Quand elle est dans un état contraire à sa nature. » — Et le coq? — « De même. » — De même donc aussi l’homme. Or, quelle est sa nature? Est-ce de mordre, de ruer, de jeter en prison et de couper des têtes? Non, mais de faire le bien, de venir en aide aux autres, et de faire des vœux pour eux. On est donc dans un mauvais état, que tu le veuilles ou non, dès lors qu’on est injuste.

— « Le mal n’a donc pas été pour Socrate? » — Non, mais pour ses juges et ses accusateurs. — « A Rome, il n’a donc pas été pour Helvidius? » — Non, mais pour celui qui l’a fait périr. — « Que dis-tu là? » — C’est pour la même raison que tu n’appelles pas malheureux le coq victorieux qui a été blessé, mais le coq sans blessures, qui a été vaincu. C’est encore pour la même raison que tu trouves heureux, non pas le chien qui n’a rien poursuivi et qui n’a pas eu de peine, mais celui que tu vois couvert de sueur, fatigué, n’en pouvant plus à force de courir. Quel paradoxe disons-nous donc, quand nous disons que le mal pour tout être est ce qui est contraire à sa nature? Est-ce vraiment là un paradoxe? N’est-ce pas précisément ce que tu dis toi-même pour tous les autres êtres? Pourquoi alors soutiens-tu autre chose au sujet de l’homme seul? Eh bien! quand nous disons que la nature de l’homme est d’être sociable, affectueux, loyal, est-ce là encore un paradoxe? — « Pas davantage. — Comment en serait-ce donc un, quand nous disons que ce n’est pas un mal d’être