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soucis, et toutes mes craintes! » — « Eh bien! quand est-ce que tu as le mieux goûté les douceurs de la table? Aujourd’hui, ou auparavant? » Écoute encore ce qu’il nous dit là-dessus. S’il n’est pas invité par César, le voilà triste; s’il est invité, il est au souper comme un esclave à la table de son maître, tremblant sans cesse de dire ou de faire quelque sottise. Et que crois-tu qu’il craigne? D’être fouetté comme un esclave? Et d’où lui viendrait tant de chance? Comme il convient à un homme de son importance, à un ami de César, il craint d’avoir la tête coupée. Posons-lui ces question: « Quand te baignais-tu avec le moins d’appréhensions? Quand t’exerçais-tu le plus à loisir? En somme, quelle est celle des deux vies que tu aimerais le mieux mener? Celle de maintenant, ou celle d’autrefois? » Je puis bien jurer qu’il n’y a personne d’assez dénué de sens, d’assez ennemi de la vérité, pour ne pas se plaindre de souffrir d’autant plus qu’il est plus ami de César.

Puis donc que ni ceux qu’on appelle rois, ni ceux qui sont les amis des rois, ne vivent comme ils le veulent, qui est-ce qui est libre? Cherche, et tu le trouveras; car la nature t’a donné plus d’une voie pour découvrir la vérité. Mais, si par toi-même tu n’es pas capable, en te bornant à suivre ces voies, de trouver ce qui est au bout, écoute ceux qui ont fait cette recherche. Que te disent-ils: « Crois-tu que la liberté soit un bien? » — « Le plus grand de tous. » — « Quelqu’un qui est en possession du plus grand bien, peut-il être malheureux? Peut-il être misérable? » — « Non. » — Tous ceux donc que tu verras malheureux, souf-