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ressembles aux Nicopolitains qui ont l’habitude de crier: « Par la fortune de César, nous sommes libres! »

Laissons cependant César pour le moment, si tu le veux bien. Réponds-moi à ceci: N’as-tu jamais été amoureux? N’as-tu jamais eu de maîtresse, quelle fût libre ou esclave? — Et quels rapports cela a-t-il avec la servitude ou avec la liberté? — Celle que tu aimais ne t’a-t-elle donc jamais rien commandé contre ton gré? N’as-tu jamais flatté ton esclave? Ne lui as-tu jamais baisé les pieds? Certes, si quelqu’un t’avait forcé de baiser ceux de César, tu aurais vu là un outrage, et le comble de la tyrannie. Qu’est-ce donc que la servitude, si ce que tu faisais là n’en est pas? Pour elle n’as-tu jamais été de nuit où tu ne voulais pas? N’as-tu jamais dépensé plus que tu ne voulais? N’as-tu jamais rien dit avec des gémissements et des pleurs? N’as-tu jamais dû te laisser injurier et mettre à la porte? Si tu rougis d’avouer ta propre histoire, vois ce que dit et fait Thrasonides, après avoir fait plus de campagnes que toi-même probablement. D’abord il sort de nuit, à une heure telle que Geta n’ose pas y sortir, ou ne sort, quand son maître l’y contraint, qu’avec force cris, force lamentations sur son dur esclavage. Puis, que dit-il?

« Une misérable fillette m’a fait son esclave, quand aucun ennemi ne l’avait pu! »

Malheureux, qui es l’esclave d’une fillette, et d’une misérable fillette! Pourquoi te dis-tu libre encore? Pourquoi vantes-tu tes campagnes? Puis il demande une épée, et se fâche contre ceux qui la lui refusent par intérêt pour lui-même. Il envoie