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rendre immuable? Ta lâcheté, ta couardise, ton admiration pour les riches, tes désirs avortés, tes efforts inutiles pour éviter les choses? Voilà ce que tu voulais mettre à l’abri de tout péril!

Ne devais-tu pas commencer par acquérir ce que la raison te conseillait, puis songer alors seulement à mettre tes acquisitions en sûreté? Qui as-tu vu construire un couronnement autour de sa maison, sans placer ce couronnement sur un mur? Quel est le portier que l’on établit où il n’y a pas de porte? Ta préoccupation à toi, c’est d’être capable de démontrer; mais de démontrer quoi? Ta préoccupation, c’est de ne pas te laisser entraîner par les sophismes; mais entraîner loin de quoi? Montre-moi d’abord ce qui est l’objet de tes soins, ce que tu mesures, ou ce que tu pèses; puis ensuite montre-moi ta balance ou ta mesure. Jusques à quand ne mesureras-tu que de la cendre? Ce que tu dois démontrer, n’est-ce pas ce qui rend l’homme heureux, ce qui fait que les choses lui arrivent comme il les désire, ce qui est cause qu’il doit ne blâmer personne, n’accuser personne, mais se conformer à la manière dont le monde est gouverné? Voilà ce qu’il te faut me montrer. — « Voici, dis-tu, ma démonstration: je vais t’analyser des syllogismes. » — Esclave, c’est là ta mesure; mais ce n’est pas ce que tu mesures! Voilà comment tu es puni aujourd’hui d’avoir négligé la philosophie: tu trembles, tu ne dors pas, tu consultes tout le monde; et si les résolutions que tu prends ne conviennent pas à tout le monde, tu crois avoir eu tort de les prendre. Tu crois aujourd’hui redouter la faim; mais non: ce n’est pas la faim que tu redoutes. Ce que tu crains, c’est de