Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

je m’asseoir là à vous débiter de belles sentences et de belles paroles, pour que vous partiez m’ayant applaudi, mais en remportant, l’un son épaule telle qu’il l’avait apportée, l’autre sa tête dans le même état, celui-ci sa fistule, celui-là son abcès? Et ce serait pour cela que les jeunes gens se dérangeraient! Ils quitteraient leurs parents, leurs amis, leur famille, leur héritage, pour venir te dire « bravo! » pendant que tu leur débites de belles paroles! Est-ce là ce que faisait Socrate, ce que faisait Zénon, ce que faisait Cléanthe?

— Mais quoi! l’exhortation n’est-elle pas un genre oratoire spécial? — Qui dit le contraire? C’est ainsi qu’il y a le genre de la réfutation, et ce lui de l’enseignement. Mais qui donc a jamais parlé d’un quatrième genre après ceux-là, le genre de l’ostentation? En quoi consiste le genre de l’exhortation? A pouvoir montrer à un individu ou à plusieurs dans quelle mêlée ils se trouvent emportés, et comment ils sont sans cesse en quête de tout autre chose que ce qu’ils veulent. Car ce qu’ils veulent, c’est ce qui conduit au bonheur, et ils le cherchent où il n’est pas. Et pour faire cette démonstration, il te faudrait commencer par disposer un millier de sièges, et inviter les gens à venir t’entendre, puis, élégamment drapé dans ta robe ou dans ton manteau, te jucher sur des coussins, et raconter de là la mort d’Achille! Cessez, par tous les dieux! de déshonorer, autant qu’il est en vous, de grands noms et de grandes choses. On dirait que les exhortations ne sont jamais plus efficaces, que lorsque l’orateur laisse voir à ses auditeurs qu’il a besoin d’eux!