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dois réussir ou échouer? Je ne puis rien t’apprendre à cet égard. Mais, si tu me demandes comment tu t’y conduiras, je puis te dire que, si tu penses bien, tu te conduiras bien; et que, si tu penses mal, tu te conduiras mal. Car la cause de nos actes est toujours notre façon de juger des choses. Qui t’a fait désirer d’être nommé préfet de Gnosse? Ta manière de juger des choses. Qui te fait t’embarquer maintenant pour Rome? Ta manière de juger des choses. Tu pars malgré la saison, malgré les périls, malgré la dépense! C’est qu’il le faut sans doute. Mais qu’est-ce qui te le dit? Ta manière de juger des choses. Si donc nos façons de juger sont causes de tout, et que quelqu’un juge mal, il faut bien que l’effet chez lui soit de même qualité que la cause. Aurions-nous donc tous des opinions saines? En auriez-vous de telles, toi et ton adversaire également? Mais d’où viendrait alors votre désaccord? Les aurais-tu plus justes que les siennes? Pourquoi cela? Tu crois voir; mais lui aussi, et les fous pareillement. C’est là un mauvais critérium. Montre-moi plutôt que tu as examiné tes opinions et que tu en as pris soin. Tu fais aujourd’hui la traversée de Rome afin d’être préfet de Gnosse; jouir, en restant chez toi, des honneurs que tu as déjà, ne te suffit pas; tu aspires à une dignité plus haute et plus éclatante. Eh bien! quand as-tu fait pareille traversée pour examiner tes opinions, et t’en débarrasser, si elles étaient mauvaises? Qui as-tu été trouver pour cela? Quel temps y as-tu consacré? Quelle époque de ta vie? Récapitule ces jours-là en toi-même, si tu as peur de moi. Est-ce quand tu étais enfant, que tu te rendais compte de tes opi-