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fait sottement aussi de s’abstenir du bien d’autrui, le juge qui peut s’en emparer. Veillons seulement, si tu le veux bien, à ce qu’il le fasse en secret, en sûreté, sans que personne le sache. Car ce qu’Epicure en personne appelle un mal, ce n’est pas de voler, mais d’être découvert; et c’est parce qu’on ne peut jamais avoir une entière assurance de rester inconnu, qu’il vous dit: « Ne volez pas. » Mais je vous dis, moi, que, si nous le faisons adroitement et en nous cachant bien, nous ne serons pas découverts. Nous avons d’ailleurs à Rome des amis et des amies qui sont puissants; puis les Grecs sont faibles, et pas un d’eux n’osera venir à Rome pour cela. Pourquoi donc t’abstenir de ce qui est ton bien? C’est une sottise et une absurdité. Et quand même tu me dirais que tu t’en abstiens, je ne te croirais pas. Car de même qu’il est impossible d’adhérer à l’erreur ou de ne pas adhérer à la vérité, quand elles sont évidentes, de même il est impossible de s’abstenir d’un bien évident. Or, l’argent est un bien, et la plus abondante source de plaisirs. Pourquoi ne t’en procureras-tu pas? Pour quoi donc aussi ne corromprons-nous pas la femme de notre voisin, si nous pouvons le faire en secret? Et, si son mari s’amuse à réclamer, pourquoi ne pas lui rompre le cou par-dessus le marché? C’est ce que tu feras, si tu veux être philosophe comme il faut l’être, si tu veux l’être complètement, et te conformer à tes principes. Si tu ne le fais pas, tu ne différeras en rien de nous autres qu’on nomme Stoïciens; car nous aussi nous agissons autrement que nous ne parlons. Seulement, chez nous, ce sont les paroles qui sont honorables, et les actions qui