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l’immortalité est dans son essence, en même temps qu’elle est le principe de ses contradictions et de ses excès.

Que de profondeur pourtant chez lui, et que de grandes choses !

La philosophie moderne se donne bien de la peine pour prouver l’identité de l’intérêt et du devoir ; pour le Stoïcisme, elle sort des faits mêmes.

« La loi de l’homme est le bonheur ! Rien de plus précieux à l’homme que son intérêt ! » dira-t-il souvent avec Épicure ; et il ajoutera avec lui encore : « C’est en se conformant à la nature que l’homme arrivera à ce bonheur. » Mais que demande la nature ? que, des deux parties qui composent notre être, un corps et une âme (quelque imparfaitement que les Stoïciens aient conçu l’immatérialité de cette dernière), la prééminence soit maintenue à celle à qui elle appartient de droit par la supériorité de son essence. Les intérêts de l’âme deviennent ainsi les véritables intérêts de l’homme. Or, quels sont les intérêts de l’âme ? Émanation de Dieu, dont elle partage l’essence, son intérêt est de rester ce qu’elle est par nature, car, pour elle, changer c’est nécessairement descendre. Il lui faudra donc se maintenir pure, calme, sereine, indépendante de toutes les passions du corps, sans autre préoccupation pour elle-même que la recherche du bien et du vrai. Et, en même temps, voyant autour d’elle, dans les autres hommes, des âmes semblables à elle, et