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reste? Notre faculté de juger et de vouloir. Qu’est-ce qui veille sur tout le reste? Cette même faculté. Qu’est-ce qui fait périr l’homme tout entier, par inanition, lacet ou précipice? Elle encore. Qu y a-t-il alors de plus fort qu’elle dans l’homme? Et comment ce qui peut être entravé pourrait-il être plus fort que ce qui ne connaît point d’entraves? Or, y a-t-il des choses dans la nature qui puissent faire obstacle à notre faculté de voir? Oui: notre faculté de juger et de vouloir, et plus d’une chose en dehors d’elle. De même pour notre faculté d’entendre; de même pour l’art de parler. Mais est-il quelque chose dans la nature qui puisse faire obstacle à notre faculté de juger et de vouloir? Rien en dehors d’elle; elle seule se fait obstacle à elle-même, quand elle cesse d’être droite. Aussi c’est elle seule qui est le vice, elle seule la vertu.

Eh bien! quand cette faculté est telle, quand elle a cette prééminence sur toutes les autres, qu’elle vienne nous dire que le corps est supérieur à tout! Alors que ce serait le corps lui-même qui s’attribuerait cette supériorité, il n’est personne qui l’écoutât. Et maintenant, Epicure, qu’est-ce qui enseigne cette supériorité du corps? Qu’est-ce qui a écrit sur La fin de l’homme, sur La nature, sur La règle? Qu’est-ce qui a laissé croître ta barbe? Qu’est-ce qui a écrit, quand il est mort, que c’était là à la fois son dernier et son plus heureux jour? Est-ce ton corps? Est-ce ta faculté de juger et de vouloir? Et tu pourrais, sans être fou, admettre que tu as en toi quelque chose au-dessus d’elle! Peux-tu réellement être assez sourd et assez aveugle?

Mais quoi! déprécie-t-on par là nos autres fa-