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Homme, sois reconnaissant de ces dons, mais en même temps songe à ce qui les surpasse encore. Remercie Dieu de la vue, de l’ouie, de la vie même, par Jupiter! et de tout ce qui lui vient en aide, comme les produits solides de la terre, le vin et l’huile; mais rappelle-toi qu’il t’a donné une chose encore qui vaut mieux que toutes celles-là, celle qui s’en sert, qui les juge, et qui apprécie la valeur de chacune d’elles. Qu’est-ce qui prononce en effet sur l’importance de chacune de tes facultés? Est-ce chaque faculté même? As-tu jamais entendu la vue parler sur elle-même? As-tu entendu l’ouie? Les as-tu plus entendues que le blé, que l’orge, que le cheval, que le chien? Non; ce sont des servantes et des esclaves placées sous les ordres de celle qui doit faire emploi des idées. Si tu demandes quelle est la valeur de chaque chose, à qui le demandes-tu? Et qu’est-ce qui te répond? Quelle faculté pourrait donc être supérieure à celle qui use des autres comme de ses servantes, apprécie tout, et prononce sur tout? Est-il, en effet, une seule de ces autres qui sache elle-même ce ’qu’elle est et ce qu’elle vaut? En est-il une qui sache quand il est à propos qu’elle serve ou qu’elle ne serve pas? Quelle est celle qui ouvre et ferme nos yeux? Quelle est celle qui les détourne de ce qu’ils ne doivent point voir, et les dirige sur d’autres objets? Est-ce la vue? Non; mais notre faculté de juger et de vouloir. Quelle est celle qui bouche nos oreilles ou les ouvre toutes grandes? Quelle est celle qui nous fait empressés de savoir et questionneurs, ou indifférents à ce qu’on dit? Est-ce l’ouie? Non; mais notre faculté de juger et de vou-