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qu’elle avait des choses de cette espèce. Cette opinion fut la bête sauvage qui mit en pièces leur affection. Ce fut elle qui ne permit pas à l’épouse d’être épouse, à la mère d’être mère. Que celui de vous à son tour qui veut être l’ami de quelqu’un, ou se faire de quelqu’un un ami, déracine donc en lui les opinions de cette espèce; qu’il les prenne en haine, qu’il les chasse de son àme. Il y gagnera d’abord de ne plus se dire d’injures à lui-même, de ne plus être en lutte avec lui-même, de ne plus se repentir, de ne plus se mettre à la torture. Puis, pour ce qui est des autres, il se donnera tout entier à ceux qui lui ressembleront; il sera patient avec ceux qui ne lui ressembleront pas; il sera doux pour eux, bon, indulgent, comme avec des ignorants, qui s’égarent dans les questions les plus importantes. Il ne sera sévère pour personne, parce qu’il sera pénétré de cette parole de Platon: « C’est toujours malgré elle qu’une àme est sevrée de la vérité. » Autrement, vous pourrez vivre sur tous les autres points comme vivent les amis, vous pourrez voir la même table, coucher sous la même tente, monter le même navire, être nés des mêmes parents; les serpents aussi ont tout cela: vous ne serez pas plus amis, qu’ils ne le sont, tant que vous aurez ces opinions sauvages et impures.