Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

lois, non de l’olivier, mais de la vigne? Cela ne peut ni se faire, ni se concevoir. De même l’homme non plus ne peut jamais cesser de vivre de la vie de l’homme; ceux mêmes auxquels on enlève leur virilité, on ne peut leur enlever les désirs virils. De cette façon, Epicure a pu nous enlever tout ce qui est viril en nous, tout ce qui est du maître de maison, du citoyen et de l’ami, mais il ne nous a pas enlevé les penchants de l’humanité, parce qu’il ne le pouvait pas; pas plus que les malheureux Académiciens ne peuvent se débarrasser de leurs sens ou les rendre impuissants, quoiqu’ils en aient la meilleure envie du monde.

Quelle misère! Voici un homme qui a reçu de la nature des mesures et des règles pour juger de la vérité, et il ne travaille pas à les compléter et à les enrichir de ce qui leur manque! Bien loin de là, si il y a quelque autre chose encore qui puisse aider à découvrir la vérité, il s’efforce de le supprimer et de le détruire! « Dis-nous, philosophe, que te semble-t-il de la piété et de la sainteté? — Si tu le veux, je t’établirai qu’elles sont un bien. — Oui; établis-le moi, pour que nos concitoyens se réforment, honorent la divinité et cessent de négliger leurs intérêts les plus sérieux. — Tiens-tu bien ces preuves? — Je les tiens; et je t’en remercie. — Eh bien! puisque ce système te plaît tant, écoute les preuves du contraire, les preuves qu’il n’y a pas de dieux, ou que, s’il y en a, ils ne s’occupent pas des hommes, et qu’il n’y a rien de commun entre eux et nous; les preuves que ce que le vulgaire appelle piété et sainteté, ne sont que des mensonges de charlatans et de faux sages,