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1° Tout ce qui est vrai dans le passé est nécessaire; 2° Possible et impossible sont contradictoires; 3° Il y a du possible qui n’a pas été réalisé et qui ne le sera pas. » Diodore, s’apercevant de cette incompatibilité, profita de la vraisemblance des deux premières, pour substituer à la troisième celle-ci: « Rien n’est possible que ce qui a été réalisé ou le sera. » D’autre part, les uns conserveront ces propositions-ci comme étant les deux vraies: « Il y a du possible qui n’a pas été réalisé et qui ne le sera pas; » et « Possible et impossible sont contradictoires; » mais ils ne maintiendront pas celle-ci: « Tout ce qui est vrai dans le passé est nécessaire. » C’est ce que paraît dire Cléanthe, auquel s’est le plus souvent rallié Antipater. D’autres maintiendront ces deux-ci: « Il y a du possible qui n’a pas été réalisé et qui ne le sera pas; » et « Tout ce qui est vrai dans le passé est nécessaire[1]; » mais ils diront que possible et

  1. L’accord de ces deux propositions parait impossible en français, mais la deuxième phrase grecque prête à un double sens, car elle peut signifier aussi: « Tout le passé est nécessairement vrai (en tant que passé ) », et c’est de cette façon évidemment que l’entendaient ceux qui admettaient l’accord de ces deux propositions. — Avec elle, en effet, le sens de la seconde proposition devient admissible; car on peut paraphraser le tout ainsi: « Quoique tout le passé soit nécessairement vrai, en tant que passé, certaines choses qui ne sont pas arrivées n’en étaient pas moins possibles; et, comme cependant il n’en est pas moins nécessairement vrai qu’elles ne sont pas arrivées, que par conséquent il est impossible de dire qu’elles soient arrivées, il se trouve tout à la fois et qu’elles étaient possibles, et qu’il est impossible de dire qu’elles sont arrivées. »

    Mais il n’y a pas de traduction française qui puisse conserver l’équivoque de la deuxième phrase grecque.

    Nous en plaindrons-nous?

    Convenons du moins d’une chose: c’est que, dans la plupart des sophismes qu’on reproche à l’esprit des Grecs, et que l’on attribue à leur subtilité na turelle, l’indécision des constructions grammaticales entrait pour une bonne moitié.