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Dans Sénèque, qui dit tantôt oui, tantôt non, qui tantôt se livre à des amplifications de rhétorique sur le bonheur de l’autre vie, tantôt affirme que la mort c’est le néant, l’immortalité de l’âme est indifférente ; dans Épictète, elle est fermement niée.

Tout d’abord la doctrine entière est combinée, dès Sénèque même, pour qu’une autre vie soit inutile.

Des deux grands besoins qui élèvent les yeux de l’homme vers le Ciel, et lui font croire à l’immortalité, le besoin d’avoir où apaiser sa soif de bonheur, et celui de voir se réaliser quelque part la justice absolue sous le gouvernement de la Providence, le premier est satisfait par l’ἀπάθεια, puisque, grâce à elle, l’homme n’a qu’à vouloir pour être ici-bas complètement heureux, aussi heureux que Jupiter lui-même ; et l’autre l’est par les conséquences naturelles de nos actes, qui distribuent dans cette vie les châtiments et les récompenses en proportion exacte du bien et du mal que nous avons faits.

Si nous n’apercevons pas cette suite et cet ordre, c’est que, ne tenant point compte de la nature des faits, nous leur cherchons des conséquences qu’ils ne peuvent pas avoir, et fermons les yeux à celles qu’ils ont. Ne demandons à chaque chose que ce que nous devons attendre d’elle en vertu de sa nature propre ; ne cherchons ses effets et ses résultats que dans ce qu’elle produit immédiatement et d’elle-même, au lieu d’aller les chercher