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nous ne savons pas l’appliquer. C’est pour cela que l’un dit : « Lève-le ; » un autre: « Donne-lui à manger ; » un autre: « Saigne-le ; » un autre: « Mets-lui les ventouses. » Quelle en est la cause, sinon que nous ne savons pas appliquer convenablement aux objets particuliers notre notion à priori de ce qui est sain ?

Il en est de même ici. Qui de nous ne parle de ce qui, dans la vie, est un bien ou un mal, utile ou nuisible ? Qui de nous, en effet, n’a pas une notion à priori de chacune de ces choses ? Mais est-elle claire, et parfaite, cette notion ? C’est là ce qu’il te faut montrer. — « Comment le montrerai-je ? » — Applique-la convenablement aux objets particuliers. Disons-le tout de suite : c’est d’après la notion à priori de l’utile que Platon détermine les objets à poursuivre ; toi, c’est sur celle du nuisible que tu te règles. Est-il donc possible que vous vous en trouviez bien tous les deux ? Comment cela se pourrait-il ? L’un de vous n’applique-t-il pas la notion du bien à la richesse, et l’autre non ? N’en est-il pas de même pour le plaisir ? De même pour la santé ? Une fois pour toutes, en effet, si nous tous qui nous servons des mots de la langue, nous connaissions parfaitement le sens de chacun d’eux, et si nous n’avions pas besoin de travailler pour éclaircir nos notions à priori, d’où viendraient les divergences entre nous ? D’où viendraient nos discussions ? D’où viendraient nos critiques réciproques ?

Mais qu’ai-je besoin de rapporter et rappeler ici les discussions des hommes entre eux ? À te prendre seul, si tu appliques si bien tes notions à priori,