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beau et du laid. À propos de toutes ces choses, nous louons, nous blâmons, nous critiquons, nous accusons, prononçant et discourant sur les occupations honorables ou honteuses. Pourquoi donc alors allons-nous trouver les philosophes ? Pour apprendre ce que nous ne croyons pas savoir. Et qu’est-ce que nous ne croyons pas savoir ? La Logique. Car nous voulons apprendre ce dont parlent les philosophes ; les uns parce que nous trouvons ces choses-là jolies et fines, les autres pour en faire de l’argent. Or, il est ridicule de croire que, voulant apprendre une chose, c’est une autre que l’on apprendra, ou bien encore que l’on fera des progrès dans les choses que l’on n’apprend pas.

Ce qui trompe ici la multitude est ce qui trompait l’orateur Théopompe, qui reprochait à Platon de vouloir tout définir. Que dit, en effet, Théopompe ? « Est-ce que personne avant toi n’a parlé du bien et de la justice ? Ou bien ne prononcions-nous là que des mots creux et sans signification, faute de comprendre ce qu’étaient les choses ? » Eh ! qu’est-ce qui te soutient, Théopompe, que nous n’avons point sur chacune de ces choses des notions naturelles et à priori ? Mais il est impossible d’appliquer aux objets particuliers ces notions à priori, si l’on n’a commencé par les éclaircir, et par examiner quels sont les objets qu’il faut ranger sous chacune d’elles. On pourrait, en effet, adresser le même reproche aux médecins. Qui de nous ne parlait pas de ce qui est sain et de ce qui est nuisible, avant la venue d’Hippocrate ? Ou n’était-ce là que de vains sons que nous émettions ? Nous avons une notion à priori de ce qui est sain, mais