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changes-en. — « Il faut être ferme dans ses décisions. » — Que dis-tu là, mon ami ? Il faut être ferme, non dans toutes ses décisions, mais dans celles qui sont raisonnables. Quoi ! si, par un caprice, tu avais décidé qu’il faisait nuit, tu ne changerais pas, tu persisterais en disant: « Je persiste dans mes décisions ! » Que fais-tu, mon ami ? Il ne faut pas persister dans toutes. Ne consentiras-tu pas à poser d’abord solidement ta base et tes fondements, à examiner si ta décision est bonne ou mauvaise, avant de lui faire porter le poids de ta fermeté et de ta constance ? Si les fondements que tu poses sont défectueux et sans solidité, plus ce que tu y établiras sera fort et massif, plus ce sera prompt à s’écrouler. Vas-tu, sans aucune raison, nous enlever un homme que la vie a fait notre ami et notre compagnon, notre concitoyen dans la grande comme dans la petite patrie ? Tu commets un meurtre, tu tues un homme qui n’a fait aucun mal, et tu dis: « Je suis ferme dans mes décisions ! » Mais, s’il te venait la volonté de me tuer, serait-ce un devoir pour toi d’être ferme dans ta décision ?

Notre homme se laissa dissuader, mais non sans peine ; et, de nos jours, il en est plus d’un qu’on ne peut faire changer. Aussi, crois-je savoir aujourd’hui ce que j’ignorais auparavant, le sens de ce dicton : « On ne persuade pas plus un sot qu’on ne le brise. » Dieu me préserve d’avoir pour ami un philosophe qui ne soit qu’un sot ! Il n’y a rien de plus difficile à manier. — « J’ai décidé, » dit-il ! — Mais les fous aussi décident ; et plus ils persistent dans leurs décisions erronées, plus précisément ils