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CHAPITRE XIII




De l’inquiétude.

Quand je vois quelqu’un dans l’inquiétude, je me dis : Que veut-il ? S’il ne voulait pas quelqu’une des choses qui sont hors de son pouvoir, comment serait-il dans l’inquiétude ? C’est ainsi que le joueur de harpe n’est pas inquiet, quand il joue pour lui seul ; mais il l’est quand il paraît sur la scène, si belle que soit sa voix, et quel que soit son talent de musicien. Car alors il ne se borne plus à vouloir bien chanter : il veut encore être applaudi ; et cela ne dépend pas de lui. Il est plein d’assurance sur le terrain des choses qu’il sait. Amène-lui à leur sujet tel ignorant que tu voudras, il ne s’en occupera pas. Mais il est inquiet à l’endroit des choses qu’il n’a pas étudiées et qu’il ne sait pas. Que veux-tu dire par là ? Il ne sait pas ce que c’est que la foule, ou les éloges de la foule. Il a appris à toucher la corde la plus basse et la corde la plus haute ; mais ce que c’est que les applaudissements de la multitude, et quelle est leur importance dans notre vie, voilà ce qu’il ne sait pas, ce qu’il n’a jamais étudié. Il faut donc forcément qu’il tremble et qu’il palisse de peur à leur sujet.

Quand je vois quelqu’un trembler ainsi, je ne puis pas dire qu’il n’est pas musicien, mais je puis