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tée, une seule démonstration suffit ; une seconde même serait ridicule. Mais une vérité morale, qui a d’abord à triompher de toutes nos habitudes et de toutes nos passions pour être admise, et qui n’est ensuite dans notre esprit que comme une lettre morte, tant qu’elle se borne à être acceptée par lui sans passer dans la pratique, ne saurait être reprise et répétée trop de fois, parce que celui qui doit l’appliquer ne l’a jamais assez entendue. Qui songe à se plaindre des redites de l’Imitation de J.-C. ? Eh bien, à beaucoup d’égards, les Entretiens d’Épictète étaient dans l’antiquité ce qu’est l’Imitation de J.-C. chez nous. Si l’esprit en est différent, le but du moins en est le même.

N’y cherchez pas un traité écrit dans un ordre méthodique, où le premier chapitre soit le principe dont tous les autres découlent par un enchaînement systématique et régulier, à la façon de l’Éthique. Non ; ce sont des conversations au hasard, aujourd’hui sur ce sujet-ci, demain sur ce sujet-là, et placées par le rédacteur dans l’ordre où il les avait recueillies, c’est-à-dire dans celui où elles s’étaient produites, amenées à tel jour et à telle heure par des circonstances fortuites. Ne les lisez pas à la suite les unes des autres ; prenez-les au hasard, tantôt celle-ci, tantôt celle-là ; et, si elles n’ouvrent pas devant vous les célestes horizons qu’y ouvre l’Imitation, vous n’en sortirez pas moins chaque fois retrempé et fortifié.