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et, quand c’est le Dieu lui-même qui est présent en toi, voyant tout, entendant tout, tu ne rougis pas de penser et d’agir de cette façon, ô toi qui méconnais ta propre nature et qui attires sur toi la colère divine ! Au reste, quelle est notre crainte, quand nous faisons sortir un jeune homme de l’école, pour entreprendre quoi que ce soit ? Nous craignons qu’il n’ait une autre conduite, une autre façon de se nourrir, et d’autres liaisons que celles qu’il doit avoir ; qu’il ne rougisse de porter des guenilles, ou qu’il ne soit fier d’avoir de beaux habits. Il ne connaît pas son Dieu ; il ne sait pas en compagnie de qui il marche. Lui laisserons-nous dire à quelqu’un : « Je voudrais t’avoir pour compagnon ? » Est-ce que tu n’as pas Dieu avec toi ? Quel autre compagnon cherches-tu, quand tu as celui-là ? Et celui-là te dira-t-il autre chose que ce que nous te disons ? Si tu étais une statue de Phidias, la Minerve ou le Jupiter, tu te souviendrais de toi-même et de l’artiste qui t’aurait fait ; et, si tu avais l’intelligence, tu voudrais ne rien faire qui fût indigne de ton auteur ou de toi, et ne jamais paraître aux regards sous des dehors inconvenants. Vas-tu, maintenant, parce que c’est Jupiter qui t’a fait, être indifférent à l’aspect sous lequel tu te montreras ? Est-ce qu’il y a égalité entre les deux artistes ; égalité entre les deux créations ? Est-il une œuvre de l’art qui ait réellement en elle les facultés que semble y attester la façon dont elle est faite ? En est-il une qui soit autre chose que de la pierre, de l’airain, de l’or ou de l’ivoire ? La Minerve même de Phidias, une fois qu’elle a étendu la main, et reçu la Victoire qu’elle y tient, reste immobile ainsi pour