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besoin d’un dos qui fût capable de porter. Nous avions aussi, par Jupiter ! besoin qu’il pût marcher ; en conséquence il a reçu l’usage des idées, car autrement il n’aurait pas pu marcher. Il s’en tient là du reste. Mais s’il avait reçu en plus l’intelligence de l’usage des idées, il en résulterait évidemment qu’il ne nous obéirait plus, qu’il ne nous servirait plus comme il le fait, qu’il serait à notre niveau et pareil à nous.

Ne veux-tu donc pas chercher le vrai bien dans ce qui ne peut manquer quelque part, sans que tu ne refuses aussitôt de dire que le bien y est ?

Mais quoi ! les autres êtres ne sont-ils pas eux aussi des œuvres de Dieu ? Oui, mais ils ne sont pas nés pour commander, et ils ne sont pas des parties de Dieu. Toi tu es né pour commander ; tu es un fragment détaché de la divinité ; tu as en toi une partie de son être. Pourquoi donc méconnais-tu ta noble origine ? Ne sais-tu pas d’où tu es venu ? Ne consentiras-tu pas à te rappeler, quand tu es à table, qui tu es toi qui es à table, et qui tu nourris en toi ; à te rappeler, quand tu as des rapports avec ta femme, qui tu es toi qui as ces rapports ? Lorsque tu causes avec quelqu’un, lorsque tu t’exerces, lorsque tu discutes, ne sais-tu pas que tu nourris en toi un Dieu ? C’est un Dieu que tu exerces ! Un Dieu que tu portes partout ; et tu n’en sais rien, malheureux ! Et crois-tu que je parle ici d’un Dieu d’argent ou d’or en dehors de toi ? Le Dieu dont je parle, tu le portes en toi-même ; et tu ne t’aperçois pas que tu le souilles par tes pensées impures et tes actions infâmes ! En présence de la statue d’un Dieu, tu n’oserais rien faire de ce que tu fais ;