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avec quelques souvenirs de la physique d’Héraclite, toute la philosophie d’Épictète ; et c’est aussi, à bien peu de chose près, tout le Stoïcisme moderne. Le temps a pu emporter le peu qu’Épictète avait conservé de la physique Héraclitéenne, mais il a respecté ces assises de son système, parce que, tout incomplètes qu’elles peuvent être, elles répondent trop bien à certaine situation et à certains côtés de l’esprit humain, pour qu’à toutes les époques il ne se soit trouvé des âmes qui, dans leur impuissance à aller plus loin, essayassent au moins de s’y attacher, comme à une satisfaction relative de leur besoin de connaître, et à la dernière sauvegarde de leur dignité morale.

Voilà, avec le côté affectueux du Stoïcisme, ce qui fait pour nous le singulier attrait de ce livre ; et, en nous plaçant à ce point de vue, ses éternels redites sont loin de nous fatiguer. Pour atteindre l’unique but de l’auteur, pour nous apprendre à vivre, pour nous faire entrer au cœur ces grandes lois morales qui sont notre salut dans ce monde, pour les y enfoncer de façon à ce qu’elles y demeurent inébranlables, il faut s’y reprendre à bien des fois, comme il faut bien des coups de bélier pour enfoncer dans le sol les pieux que les sables ou les eaux pourraient emporter. À une vérité mathématique, qui ne s’adresse qu’à notre intelligence seule, et qui, n’ayant à vaincre, l’opposition des intérêts ni des passions, n’a besoin que d’être comprise pour être définitivement accep-