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qui doit suivre, je choisis toujours ce qui est le plus propre à me faire vivre suivant la nature ; car c’est Dieu lui-même qui m’a fait pour choisir ainsi. Mais, si je savais qu’il est dans ma destinée d’être malade, j’irais de moi-même vers la maladie. » Le pied, en effet, s’il était intelligent, irait de lui-même dans la boue :

Pourquoi naissent les épis ? N’est-ce pas pour durcir ? Et pourquoi durcissent-ils, si ce n’est pour être coupés ? car ils ne sont pas isolés dans la nature. S’ils avaient la pensée, devraient-ils donc souhaiter de n’être jamais coupés ? Ce serait chez les épis un désir impie, que celui de n’être jamais coupés. Sachons qu’à leur exemple c’est dans l’homme un désir impie, que celui de ne jamais mourir. Il est ce que serait le souhait de ne jamais mûrir, de ne jamais être coupé. Mais nous, parce que nous sommes de nature tout à la fois à être coupés et à comprendre que l’on nous coupe, nous nous indignons que ce soit. C’est que nous ne savons pas ce que nous sommes, et que nous n’avons pas étudié la nature de l’homme, autant que les maîtres d’équitation ont étudié la nature du cheval. Chrysante allait frapper un ennemi ; il entendit la trompette sonner la retraite ; il s’arrêta ; il crut en effet qu’il valait mieux obéir à son général que d’agir pour son propre compte. Mais aucun de nous ne veut, quand la nécessité l’appelle, s’y conformer sans difficulté : c’est en pleurant, c’est en gémissant, que nous subissons ce que nous subissons ; et c’est en criant contre les circonstances ! Hommes, pourquoi criez-vous contre les circonstances ? Si nous crions contre elles par cela seul