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pierre, et injurie-là ; que produiras-tu ? Si donc quelqu’un se fait semblable à une pierre, quand il s’entend injurier, à quoi aboutira celui qui l’injuriera ? Mais, si la faiblesse d’esprit de l’insulté est comme un pont pour l’insulteur, c’est alors qu’il arrivera à quelque chose. « Dépouille cet homme ! » (dis-tu) — Qu’ordonnes-tu de me faire ? — « Arrache son manteau ; dépouille-le ; » (reprends-tu), et tu m’ajoutes : « Je t’ai fait injure. » — Grand bien t’arrive !

C’est là ce que Socrate méditait sans cesse ; et c’est pour cela qu’il eut toute sa vie le même visage. Mais nous, il n’est rien à quoi nous n’aimions mieux réfléchir et nous exercer qu’aux moyens d’être libres et sans entraves. Paradoxes (dit-on), que les propos des philosophes ! Mais dans les autres sciences n’y a-t-il donc point de paradoxes ? Qu’y a-t-il de plus paradoxal que de percer l’œil de quelqu’un pour qu’il voie clair ? Et, si l’on disait cela à un homme qui ne saurait rien de la médecine, ne rirait-il pas au nez de celui qui le lui dirait ? Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que dans la philosophie aussi il y ait des vérités qui paraissent des paradoxes à ceux qui ne s’y connaissent pas ?