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tresse, nous acceptons au hasard toutes les idées, parce qu’ici nous ne sentons pas nos pertes.

Lorsque tu voudras connaître tout ton relâchement à l’endroit du bien et du mal, et toute ton ardeur pour les choses indifférentes, compare ce que tu penses de la cécité et ce que tu penses de l’erreur ; tu connaîtras alors combien tu es loin d’avoir pour le bien et pour le mal les sentiments que tu dois avoir. — Mais il y faudrait une longue préparation, beaucoup de travail et d’études ! — Quoi donc ! espères-tu acheter au prix de peu d’efforts la plus grande de toutes les sciences ? Quoique, après tout, ce que les philosophes nous enseignent de fondamental ne soit pas bien long. Si tu veux t’en assurer, lis les écrits de Zénon, et tu verras. Qu’y a-t-il de si long à dire que la fin de l’homme est de suivre les dieux ? Que le véritable bien est le bon usage des idées ? Mais dis-nous ce que c’est que Dieu ; ce que c’est qu’une idée ; quelle est la nature des individus ; quelle est celle du tout. Voilà qui est long. Si Épicure après cela vient nous dire que le bien est dans la chair, voilà encore qui sera long, car il nous faudra apprendre quelle est en nous la partie maîtresse, quelle est en nous la personne, la substance ? S’il n’est pas vraisemblable que le bien de l’huître soit dans son enveloppe, l’est-il donc que le bien de l’homme soit dans la sienne ? Toi-même, Épicure, tu as quelque chose de principal en toi ? Qu’est-ce donc qui délibère en toi ? Qu’est-ce qui y examine chaque chose ? Qu’est-ce qui y porte sur la chair elle-même ce jugement, qu’elle est en toi le principal ? Pourquoi donc allumer ta lampe, travailler pour nous, écrire tant de livres ? pour