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SAINTE-BEUVE ET PORT-ROYAL

 (Documents nouveaux et inédits.) 


INTRODUCTION

Sainte-Beuve et la Suisse romande

           à Madame Bertrand, née Olivier. 

Cette étude ayant d’abord revêtu la forme de deux leçons d’histoire littéraire professées à Lausanne et puis à Genève, au mois de janvier et au mois de mars 1904, nous reproduisons, en guise de prologue, pour l’intelligence des choses locales,l’exorde de notre première leçon.

Mesdames, Messieurs.

Avant d’aborder le noble sujet qui vous rassemble ici ce soir, permettez-moi de vous rappeler les circonstances particulières qui, après avoir fait de Sainte-Beuve, durant six mois, l’hôte applaudi, courtisé, adulé, de l’Académie de Lausanne, en firent pour le reste de ses jours l’ami le plus dévoué qu’ait jamais eu la Suisse romande.

C’était en 1837, dans le plein de la saison qui dore et embel- lit les plus belles choses.

Il avait quitté Paris précipitamment, sous le coup d’une grande douleur, le cœur saignant des blessures d’un amour qui avait troublé profondément sa vie, et il était venu demander au Léman et aux montagnes qui lui servent de cadre le calme bienfaisant que les grands spectacles de la nature apportent généralement aux âmes de poète.

Or, vous savez qu’il était poète avant d’être critique, et que chez lui le critique ne tua jamais complètement le poète. Il eut toujours soin, en effet, ainsi qu’il l’écrivait alors à Juste Olivier, « de sauver, a travers ses assujettissements quelques coins pour la poésie, de lui faire quelque plate-bande à un en-