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M’sieu Gustave

Nouvelle Inédite

par

Lucie Delarue-Mardrus

I

Bercée dans le ciel, c’est la pommeraie de mai. Elle semble une forêt de corail blanc remuant au fond de la mer. Chacune des mille fleurs sorties des branches crochues et sèches porte, au milieu de ses cinq pétales, un petit cœur qui sent bon. Et, côte a côte, ils sont si légers, les pommiers, qu’on pense qu’un souffle effeuillera tout. L’herbe tendre monte d’en bas vers ces vastes bouquets de noces ; une voie lactée de pâquerettes continue par terre la blancheur en suspens au-dessus du sol ; et les nuages ronds qui traînent dans le ciel bleu sont blancs aussi, copie des arbres immaculés. Ainsi s’exalte un herbage solitaire de Normandie où les oiseaux qui chantent paraissent être enfermés dans des cages fleuries. L’ombre est bleue autour des larges taches de soleil vacil¬