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précaution inutile

suellement délicieux que ces nuits de pleine lune, dans la baie de Balbec devenue douce comme un lac, où des branches bougent à peine où, étendu sur le sable, l’on écouterait sans fin se briser le reflux.

En entrant dans la chambre, j’étais resté debout sur le seuil n’osant pas faire de bruit, et je n’en entendais pas d’autre que celui de son haleine venant expirer sur ses lèvres à intervalles intermittents et réguliers, comme un reflux, mais plus assoupi et plus doux. Et au moment où mon oreille recueillait ce bruit divin, il me semblait que c’était, condensée en lui, toute la personne, toute la vie de la charmante captive, étendue là sous mes yeux. Des voitures passaient bruyamment dans la rue, son front restait aussi immobile, aussi pur, son souffle aussi léger réduit à la plus simple expiration de l’air nécessaire. Puis, voyant que son sommeil ne serait pas troublé, je m’avançais prudemment, je m’asseyais sur la chaise qui était à côté du lit, puis sur le lit même.

J’ai passé de charmants soirs à causer, à jouer avec Albertine, mais jamais d’aussi doux que quand je la regardais dormir. Elle avait beau avoir, en bavardant, en jouant aux cartes, ce naturel qu’une actrice n’eût pu imiter, c’était un naturel au deuxième degré que m’offrait son sommeil. Sa chevelure descendue le long de son visage rose était posée à côté d’elle sur le lit et parfois une mèche isolée et droite donnait le même effet de perspective que ces arbres lunaires grêles et pâles qu’on aperçoit tout droits au fond des tableaux raphaélesques d’Elstir. Si les lèvres d’Albertine étaient closes, en revanche, de la façon dont j’étais placé, ses paupières paraissaient si peu jointes que j’aurais presque pu me demander si elle dormait vraiment. Tout de même ces paupières abaissées mettaient dans son