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précaution inutile

le beau rôle, n’ayant pas de document révélateur à produire, et pour ressaisir mon ascendant je me hâtai de passer au sujet d’Andrée qui allait me permettre de mettre en déroute Albertine par l’écrasante révélation de la dépêche d’Andrée.

« — Tenez, lui dis-je, on me tourmente, on me persécute à me parler de vos relations, mais avec Andrée. »

« — Avec Andrée », s’écria-t-elle (???), la mauvaise humeur enflammant son visage. Et l’étonnement, ou le désir de paraître étonnée, écarquillait ses yeux :

« — C’est charmant ! Et peut-on savoir qui vous a dit ces belles choses, est-ce que je pourrais leur parler à ces personnes, savoir sur quoi elles appuient leurs infamies. »

« — Ma petite Albertine, je ne sais pas, ce sont des lettres anonymes, mais de personnes que vous trouveriez peut-être assez facilement (pour lui montrer que je ne croyais pas qu’elle cherchait), car elles doivent bien vous connaître. La dernière, je vous l’avoue (et je vous cite celle-là justement parce qu’il s’agit d’un rien et qu’elle n’a rien de pénible à citer), m’a pourtant exaspéré. Elle me disait que si le jour où nous avons quitté Balbec vous aviez d’abord voulu rester et ensuite partir, c’est que dans l’intervalle vous aviez reçu une lettre d’Andrée vous disant qu’elle ne viendrait pas. »

« — Je sais très bien qu’Andrée m’a écrit qu’elle ne viendrait pas, elle m’a même télégraphié, je ne peux pas vous montrer la dépêche parce que je ne l’ai pas gardée, mais ce n’était pas ce jour-là, qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse qu’Andrée vînt à Balbec ou non ? »

« Qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse » était une preuve de colère et que « cela lui faisait » quelque chose, mais pas forcément une preuve qu’Albertine était revenue unique-