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précaution inutile

demander pardon bien humblement de tout mon cœur. »

Je pensai que pour réparer cela, et m’assurer de ses projets de rester pour le temps qui allait suivre, et au moins jusqu’à ce que Andrée fût partie, ce qui était dans trois semaines, il serait bon dès le lendemain de chercher quelque plaisir plus grand que ceux qu’elle avait encore eus et à assez longue échéance ; aussi puisque j’allais effacer l’ennui que je lui avais causé, peut-être ferais-je bien de profiter de ce moment pour lui montrer que je connaissais mieux sa vie qu’elle ne croyait. La mauvaise humeur qu’elle ressentirait serait effacée demain par mes gentillesses, mais l’avertissement resterait dans son esprit.

« — Oui, ma petite Albertine, pardonnez-moi si j’ai été violent. Je ne suis pas tout à fait aussi coupable que vous le croyez. Il y a des gens méchants qui cherchent à nous brouiller, je n’avais jamais voulu vous en parler pour ne pas vous tourmenter. Mais je finis par être affolé quelquefois de certaines dénonciations. »

Et voulant profiter de ce que j’allais pouvoir lui montrer que j’étais au courant pour le départ de Balbec.

« — Ainsi, tenez, vous saviez que Mlle Vinteuil devait venir chez Mme Verdurin l’après-midi où vous êtes allée au Trocadéro. »

Elle rougit.

« — Oui, je le savais. »

« — Pouvez-vous me jurer que ce n’était pas pour ravoir des relations avec elle. »

« — Mais, bien sûr que je peux vous le jurer. Pourquoi ravoir, je n’en ai jamais eu, je vous le jure. »

J’étais navré d’entendre Albertine me mentir ainsi, me nier l’évidence que sa rougeur m’avait trop avouée. Sa fausseté me navrait. Et, pourtant, comme elle contenait une protestation