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SUR MON CHEMIN

tacle bien fait pour remuer tout ce qu’il y a de bon et de mauvais dans le cœur de l’homme.

J’ai roulé ma bosse, comme dit le Vieux marcheur, de par le monde, et j’ai vu des choses merveilleuses et qui vous tiennent en haleine, comme par exemple, trancher la tête de Ravachol à Montbrison, garrotter trois anarchistes en Espagne et pendre un pauvre diable à Tunis ; rien de tout cela n’est comparable à la petite mazarinade qu’on nous a servie hier au bout du pont des Arts. C’est un genre de supplice que j’essaierai de peindre, mais qui ne sera bien compris que de ceux qui lurent, dans leur jeune âge, les cruelles aventures survenues aux héros de Gustave Aymard et du capitaine Mayne-Reid.

J’eus d’abord toutes les peines du monde à me faire place. J’étais arrivé en retard, et je rencontrai aux premiers rangs des loges la foule des gens de maison qui me bousculèrent fort, en me disant de la manière la plus incivile qu’ils étaient là pour retenir des sièges pour leurs maîtresses, qu’ils ne les céderaient point. Celles-ci survinrent, firent quelque bruit, cependant qu’une voix, dans le lointain, disait des choses auxquelles nul, autour de moi, ne prêtait attention.

Ces dames demandèrent si elles n’avaient pas trop tardé ; mais on leur répondit, avant qu’elles n’eussent gagné leurs places, qu’il n’avait pas encore commencé.

— Mais qui donc parle ? demandai-je.

— C’est M. Lavedan, me fit-on.