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SUR MON CHEMIN

Et il bâtira le principal type de sa pièce sur le type de l’acteur ou de l’actrice en vedette dans le théâtre où il estime qu’il aura le plus de chances de « passer ». Pas une seconde il ne songera, s’il est un auteur bien parisien, que les acteurs ont été créés pour les auteurs, et non point les auteurs pour les acteurs. Ou, si cette idée saugrenue lui court la cervelle, il la chassera, comme propre à lui faire perdre son temps. Que lui servirait de porter au théâtre un rôle qui ne serait point taillé à la coupe de l’artiste en vedette ?

Du reste, le public entre dans la combinaison. Pourquoi ira-t-il au Vaudeville, par exemple ? Parce que la phrase est prononcée : « Allez donc au Vaudeville, Réjane y est superbe ! » Aux Variétés ? « Granier y est superbe ! » Au Français ? « Barlet y est superbe ! » Il faut que dans la pièce future il y en ait au moins un ou une qui « soit superbe ! » Or, Réjane ne sera « superbe » qu’en restant Réjane ; et notre auteur, avant toutes choses, ne devra rien ignorer du talent de Réjane, ni de ses gestes, ni de son nez retroussé à la Parisienne. C’est la Parisienne. Quand elle est Sapho, elle est encore la Parisienne. Et la Parisienne d’Amoureuse. Pas du tout le grand corps assoiffé de caresses brutales et bohèmes qu’imagina Daudet. C’est tant mieux pour Porto-Riche et tant pis pour Daudet. Vous voyez le danger, vous le touchez. Sur l’Agora, elle sera encore la Parisienne ; mais là, Donnay l’aura voulu, ayant fait une Lysistrata fin de siècle, après J.-C.