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ÇA NE MORD PAS

est dangereux. Cette rivière du Grand-Morin a vu des drames et l’on s’y noie couramment. Moi-même je m’en fus tout dans son fond. Je n’y étais nullement préparé, je vous jure. C’était un jour où, pêchant à la ligne avec un de mes amis, j’avais entrepris un grand poème. Le premier hémistiche était trouvé, mais le second tardait à venir, et comme la glaise où je reposai le pied était humide, je glissai et m’en allai le chercher dans la rivière. Je ne sais point nager et il y avait là de six à sept mètres d’eau. La nature m’a heureusement doué d’une ampleur aimable. Je remontai à la surface et mon ami me tira de là. J’en fus quitte pour quelques frictions et un verre de rhum. Je n’ai point cessé pour cela de pêcher, et je raconte cette anecdote pour qu’il soit entendu que, bien que me livrant à un sport aussi pacifique, je ne suis point dénué d’un certain héroïsme.

La fin du mois d’août et le commencement du mois de septembre sont excellents pour la pêche. Le poisson, en effet, ne marque, à cette époque, aucune préférence pour un genre d’appât quelconque ; aussi peut-on indifféremment les employer tous, ce qui est une vraie joie. Vous pouvez pêcher, dans la même journée, au gruyère, à l’asticot, au sang, au raisin, à la cerise, au blé, au ver, au véron, à la mouche, à la sauterelle, et même à la mie de pain. Il mordra à tout ou il ne mordra à rien. À Villiers, il ne mord à rien. Mes voisins sont désolés. Un commis voyageur